Capture d’écran
Only fans : machine à clic… et à trauma
Yeux bleus, bronzage parfait, en interview la Britannique de 26 ans décrit fièrement son prochain « challenge » : « Je serai attachée dans une boîte transparente. […] Les gens peuvent me toucher, se joindre à moi. Je veux atteindre 2 000 rapports ». Elle, c’est Bonnie Blue, superstar d’Onlyfans. Sur cette plateforme née en 2016, les utilisateurs peuvent vendre des contenus intimes à leurs abonnés. Officiellement, c’est un outil d’indépendance pour les travailleuses du sexe. Officieusement, c’est devenu une arène algorithmique où l’attention se monnaie au prix fort – parfois, au détriment de la santé physique ou mentale.
Une fois l’annonce faite, tollé sur les réseaux sociaux pour le « zoo de Bonnie » devant se dérouler le 15 juin. Événement annulé. Compte Only Fans banni. Il faut dire que Bonnie Blue n’en est pas à son coup d’essai : en janvier, elle publie une vidéo où elle affirme avoir eu 1 057 rapports en 12 heures, battant ainsi Lily Phillips, autre star britannique d’OnlyFans, qui en avait revendiqué 100 sur 24 heures quelques mois plus tôt.
Le cas de Lily Phillips choque particulièrement au Royaume-Uni. Le Times et le Evening Standard comparent les hommes venus faire la queue pour son défi sexuel aux violeurs de Mazan. Des images d’hommes cagoulés, file d’attente en silence, ambiance sinistre. À l’époque je la joins pour une enquête : « C’est assez ironique que des féministes critiquent la performance d’une femme qui est libre avec son corps et qui aime avoir des relations sexuelles. » Fin janvier, nouveau défi, « coucher avec le plus de mec possible », au cours duquel elle documente sa prise de PrEP, traitement préventif contre le VIH. Bonnie contre Lily : la rivalité entre les deux femmes devient un arc narratif sur les réseaux sociaux et dans les tabloïds. Sauf que derrière les clashs, il y a les coulisses. Julia Philippo, actrice X de 18 ans confie avoir été traumatisée après un tournage avec Bonnie Blue. Pour Annie Knight, modèle australienne OnlyFans, le « marathon sexuel » dans lequel elle s’était lancée se termine à l’hôpital.
La plafetorme comptait en 2023 plus de 4,1 millions de créateurs pour 305 millions d’abonnés. Mais 1 % des créatrices captent 33 % des revenus, 10 % en captent 73 %. Bonnie Blue, c’est 700 000 euros par mois. Les autres ? Un complément de revenu de quelques dizaines d’euros par mois. Alors chaque post, chaque buzz devient une tentative de sortir du lot, de gagner en abonnés, de rester dans la course. Et plus les plateformes traditionnelles comme Pornhub ou RedTube sont restreintes, plus la pression sur OnlyFans s’intensifie.
OnlyFans promettait l’autonomie. Il a transformé la sexualité en performance extrême, soumise aux mêmes lois de l’algorithme que n’importe quel influenceur. Mais ici, le prix du clic se paie en chair. Et la vraie performance, désormais, c’est de ne pas s’écrouler.
Cet article a été publié dans
CQFD n°243 (juillet-août 2025)
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Paru dans CQFD n°243 (juillet-août 2025)
Dans la rubrique Capture d’écran
Par
Illustré par Céleste Maurel
Mis en ligne le 05.07.2025
Dans CQFD n°243 (juillet-août 2025)
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