Militantisme sous état d’urgence

Le film d’une garde à vue de masse

Dans 317, un documentaire collectif, des victimes d’humiliations policières témoignent. Leur point commun ? Avoir participé à la manifestation interdite du 29 novembre 2015 à Paris, la veille de l’ouverture de la COP21.
Par JMB (Bertoyas).

Cette manifestation pour le climat était prévue de longue date. Mais les attentats du 13 novembre sont passés par là : deux semaines après le carnage du Bataclan, la France a basculé dans l’état d’urgence. Ce 29 novembre 2015, le rassemblement est interdit. Quelques milliers de personnes se retrouvent quand même à Paris, place de la République, pour rappeler notamment que «  le véritable état d’urgence est climatique ». Mais elles sont nassées par les CRS. Grenades lacrymogènes : « D’un coup, ça brûle très fort les yeux, la gorge, ça arrache », se rappelle une militante. «  Je n’ai rien vu venir ; je n’ai pas compris que même dans l’immobilité cela pouvait surgir », confesse un autre.

« Ce sont de petits groupes violents qui s’en sont pris aux forces de l’ordre avec des projectiles », dira le préfet de police de Paris, photos à l’appui. Chez les manifestants qui témoignent dans le film, soit directement, soit par le truchement de comédiens, on se souvient surtout de violences policières gratuites. Une férocité dans les gestes – « Un vieux bonhomme de plus de 70 ans, maigre, les cheveux blancs, se fait tabasser par les CRS parce qu’il ne reculait pas assez vite ; plus tard, il se retrouvera dans ma cellule, incapable de marcher. » Un déchaînement dans les mots – «  Il n’y a plus de caméras, ferme ta gueule parce que sinon je vais te saigner comme un cochon » ; « Mongols » ; « Connards de gauchistes »... 

317 personnes se retrouvent en garde à vue. L’expérience, inédite pour beaucoup, est brutale. Une personne est menottée, rapporte une manifestante, et les policiers « s’amusent » à lui tordre les poignets. Dans un panier à salade, se rappelle un autre protestataire, «  un camarade » se retrouve braqué avec un fusil mitrailleur à dix centimètres de sa bouche : « Alors, t’as peur ? », rigole le policier. « C’est quoi, ton problème avec la COP21 ? Je suis sûr que tu ne sais même pas pourquoi t’es là... », balance un autre agent. Au bout de quelques heures de garde à vue, une militante veut contacter un proche et un avocat : trop tard, lui répond-on. « Ça a été d’une violence que je n’avais jamais vue et que je n’ai pas envie de revoir […]. Ça a été tellement fort qu’on a franchement cette peur de se dire qu’ils peuvent nous arrêter à tout moment… Que tout est autorisé. »

Réalisé par un collectif issu de la manifestation, le film, d’une durée d’une heure, ne s’arrête pas à ces récits poignants. Il propose aussi une analyse de la répression en période d’état d’urgence et de grands raouts diplomatiques, ces «  moments de pouvoir très importants » où « on applique à des militants l’arsenal antiterroriste », comme l’explique la politologue Vanessa Codaccioni. Et puis, il y a Samir Baaloudj, militant des quartiers populaires, pour rappeler salutairement que dans les coins où il a grandi, la brutalité policière s’applique depuis longtemps : « Moi, je vis l’état d’urgence depuis l’âge de treize ans. »

Le film 317 est disponible en ligne gratuitement !

Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.

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