La rage contre la machine

Glossaire technocritique (1)

Technophobe :

Ce terme voudrait qualifier quiconque émet des réserves quant aux promesses de la technologie. Tout bien considéré, ce sont les dispositifs technologiques qui sont technophobes dans le sens où ils expulsent les savoir-faire techniques, l’habileté afférente et leurs transmissions. Exemple : combien de mécanos de village, véritables génies d’ingéniosité technique, n’ont-ils pas été dépossédés par l’intrusion dans les bagnoles d’ordinateurs qui ne sont lisibles qu’avec la valise informatique du constructeur ?

Acceptabilité

La classe des concepteurs-décideurs n’est pas née de la dernière pluie. Elle a intégré depuis longtemps l’irritation qu’elle provoque dans les populations par les incessants bouleversements qu’elle met en œuvre. Aussi peut-elle accueillir avec bienveillance plaintes et lanceurs d’alerte qui peuvent pointer à rebours les défauts des projets. Le conflit, une fois admis qu’on aura décidé d’abord sur le fond et qu’on discutera des détails ensuite, peut permettre pour des managers avisés de sonder les différents degrés d’acceptabilité pour « négocier les mutations en cours ».

Internet

On laissera ici la fausse question de savoir si Internet – ou plus exactement le Web – est un océan de connaissances et d’informations partagées ou un déversoir de rumeurs et d’obscénités morbides, pour souligner le fait qu’il est avant tout un outil de traçage et de contrôle totalement inédit. Inédit par le caractère participatif de la « mise en commun » de données personnelles, notamment via l’abonnement Facebook qui comptabilise désormais un habitant de la planète sur six ! Dans quel but et pour quel usage participons-nous nous-mêmes à un tel fichage ? Internet concentre l’ultime conjonction des désirs de surveillance généralisée d’un système militaro-industriel, d’études de cible pour les multinationales et d’une servitude volontaire ludique motivée par le narcissisme, le voyeurisme ou l’accès à l’information. Ce n’est que le début, car, selon le philosophe Éric Sadin, nous entrons à peine « dans l’âge de pierre de la surveillance ».

Neutralité

C’est l’argument massue brandi par les thuriféraires du progrès technologique : il n’est ni bon ni mauvais en lui-même, tout dépend de ce que les hommes, ces primates doués de raison mais dominés par leurs passions, peuvent en faire. Les grands pontes de la Silicon Valley, qui sont tout sauf des béotiens en la matière, ne souscrivent pas à ce point de vue et envoient leurs gosses dans des écoles très chères à l’intérieur desquelles le moindre ordinateur est banni. Dans les classes, on s’appuie sur des pédagogies alternatives pour développer la créativité des gamins à partir d’un contact le plus concret possible avec ce qui les entoure : aucun écran mais du papier, des stylos, des tableaux noirs, des aiguilles à tricoter et de la terre glaise parfois. Pas silicon, le valet du capital !

Transhumanisme

Née dans les tréfonds de la culture cyberpunk, la mouvance transhumaniste a émergé dans les années 1990 au sein du techno-patronat de la Silicon Valley. Son postulat ? Le corps humain n’est qu’un ensemble de fonctionnalités biologiques imparfaites que l’on pourrait améliorer grâce aux nouvelles technologies. À travers l’union des biotechnologies, des nanotechnologies, des sciences de l’information et des sciences cognitives, l’homme pourra enfin s’affranchir de ses propres limites. Augmenter nos capacités physiques et mentales est désormais possible grâce à l’implantation sur et dans nos corps de nouvelles technologies.

Les applications médicales – prothèses améliorées, nanotechnologies contre la maladie d’Alzheimer… –, militaires ou industrielles – Google Glass – sont déjà sur le marché. La World Transhumanist Association compte près de 6 000 membres et l’University Singularity, financée par Google et basée sur le campus de la Nasa, biberonne de futurs ingénieurs à la sauce transhumaniste. Quant à l’association Technoprog, leur petite sœur française, elle promeut un transhumanisme « démocratique, progressiste et accessible à tous »...

Certains techno-prophètes, tel Ray Kurzweil1, clament que l’homme pourra bientôt, grâce à sa fusion avec la machine, se rendre maître de l’évolution de son corps, mais aussi de sa propre espèce, devenant ainsi un mutant post-humain. « Ceux qui décideront de rester humains et refuseront de s’améliorer auront un sérieux handicap. Ils constitueront une sous-espèce et formeront les chimpanzés du futur », déclarait en 2002 Kevin Warwick, scientifique britannique se définissant comme le « premier cyborg de l’histoire ». Nos corps ne seraient plus une entité biologique et culturelle autonome mais une triste hybridation de chair et de bits qui, tels Achille et son talon, se révélerait à la fois invulnérable et terriblement fragile.

Mickaël Correia

Voir la suite du dossier "Rage contre la machine" par ici !


1 Gourou du transhumanisme, Ray Kurzweil a été embauché par Google en décembre 2012, cf. CQFD n°110.

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1 commentaire
  • 15 avril 2014, 12:37

    Vous parlez de votre technophobie comme soral parle de son antisémitisme...

    • 16 avril 2014, 10:46

      C’est la seule référence qui vous vient à l’esprit ? C’est bas…

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