Anti-répression

Garde à vue : mode d’emploi

La journaliste et dessinatrice Ana Pich signe un ouvrage coup de poing sur l’un des outils répressifs les plus opaques et brutaux de la République : la garde à vue. Dans ce « petit guide pratique », elle ne se contente pas de dénoncer, elle prépare et arme celles et ceux qui pourraient s’y retrouver broyé·es.
Ana Pich

« La cellule de garde à vue c’est l’horreur ! C’est pour te briser psychologiquement ! Comme le mitard !  » Dans ce huis clos où la police fait la loi, mieux vaut connaître ses droits. C’est tout l’objet du nouveau livre d’Ana Pich, Garde à vue1 (éditions Massot, 2025), qui s’attaque à l’un des rouages les plus impitoyables du système répressif français : la garde à vue. Un « petit guide pratique » qui ne se contente pas d’informer, mais cherche à organiser la résistance.

Avec des dessins percutants et des témoignages édifiants, l’autrice met en lumière une réalité crue : l’enfermement arbitraire, la violence physique et psychologique, les conditions de détention souvent dégueulasses (insalubrité, promiscuité, privations en tout genre). Le tout dans un cadre où la police cumule les rôles de flic, juge et bourreau. Car c’est bien là le problème : la garde à vue est un territoire d’exception où la séparation des pouvoirs s’évapore, où la pression pour extorquer des aveux devient une mécanique bien huilée. Comme le rappelle l’avocat pénaliste Raphaël Kempf : « Si la garde à vue n’est pas de la torture, elle en partage les objectifs : la production forcée d’un discours sur soi et sur des tiers.  »

Les mots frappent, mais le dessin d’Ana Pich cogne encore plus fort. Réalisées en monochrome à l’encre noire, ses illustrations ne caricaturent ni les personnes ni les conditions de détention : elles les arrachent à l’oubli. Avec un trait dynamique et acéré, elle croque l’immonde réalité qui se cache derrière les portes des commissariats. Des visages épuisés, des postures brisées, des cellules crasseuses où le temps se dilue dans l’odeur de pisse en compagnie des puces de lit.

Comment garder le cap face à la pression ? Que dire (ou ne pas dire) ?

Derrière les chiffres – 336 718 gardes à vue en 2001, 900 000 en 2009, une augmentation de plus de 167 % en moins de dix ans – se cachent des visages, et une évidence : tous ne subissent pas la même violence. Racisé·es, précaires, sans diplôme, sans réseau, les plus vulnérables sont les premier·es à déguster. Les témoignages collectés par Ana Pich en audience ou auprès d’ancien·nes gardé·es à vue en disent long sur la brutalité sociale à l’œuvre. Et les réformes successives ne font que maquiller un système qui broie toujours plus. La dernière en date, entrée en vigueur en juillet 2024, impose la présence d’un·e avocat·e dès le début des auditions, sauf si la personne y renonce explicitement. Un progrès en trompe-l’œil : encore faut-il connaître ses droits et avoir les moyens de les faire respecter.

Pédagogique et accessible, ce guide propose des conseils concrets, rappelle ce que la loi impose (et que la police oublie souvent d’appliquer), et fournit des clés pour survivre à cette épreuve. Comment garder le cap face à la pression ? Que dire (ou ne pas dire) ? Comment s’organiser collectivement pour se protéger ? Ana Pich fournit le parfait petit manuel d’autodéfense juridique et politique, nécessaire en ces temps où la répression n’a jamais été aussi banalisée.

Thelma Susbielle

Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.

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1 Sous-titré : « Petit guide pratique pour celles et ceux qui luttent pour leurs droits »

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CQFD n°240 (avril 2025)

Dans ce numéro, un grand dossier « ruralité ». Avec des sociologues et des reportages, on analyse le regard porté sur les habitants des campagnes. Et on se demande : quelles sont leurs galères et leurs aspirations spécifiques, forcément très diverses ? Et puis, comment faire vivre l’idée de gauche en milieu rural ? Hors dossier, on tient le piquet de grève chez un sous-traitant d’Audi en Belgique, avant de se questionner sur la guerre en Ukraine et de plonger dans l’histoire (et l’héritage) du féminisme yougoslave.

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