Danse avec les moucherons

Ils ont débarqué en catimini. Discrets. Affables. Grésillant tendrement à nos oreilles. Pour tout dire, on leur aurait donné le bon dieu et nos croûtes de fromage sans confession. Quoi de plus réconfortant qu’un moucheron guilleret vagabondant sur votre écran d’ordinateur alors que vous rédigez un article particulièrement ardu ?

Conquis, d’aucuns parmi nous avaient rebaptisé les élus moucheronnesques de leur cœur. Ainsi, Rosa Luxembourg fricotait des ailettes avec Zapata au-dessus de la poubelle pas vidée depuis trois mois. Et Snoopy baffrait nos reliefs de couscous du 1er mai avec sa zouz Mafalda. Choupi. Saltimbanques qu’on est, on avait même monté un grandiose spectacle de moucherons savants, où ces petits choux volants levaient la patte en cadence sur l’Internationale, marxaïdi, marxaïda.

Et puis, une chose en entraînant une autre, ça s’est dégradé. Et nos invités ont commencé à proliférer de-ci de-là, squattant nos bières éventées par troupeaux entiers. C’est venu lentement, sournoisement. On continuait à vivre en bonne camaraderie, t’as vu. Simplement, on ne s’entendait plus trop parler, dans le bourdonnement incessant.

Mais lundi dernier aux aurores, à l’heure où blanchissait la rue Consolat, notre révéré Hervé est tombé sur un terrible spectacle en ouvrant la porte du local : le lieu n’était plus qu’un immense nuage d’insectes vrombissants. N’écoutant que son courage et son désir de sauver un sandwich jambon-beurre-aïoli à peine entamé de la veille, il s’est jeté dans la bataille, héros parmi les héros. On ne l’a plus jamais revu. Il se murmure parmi les riverains qu’il aurait muté en sorte de reine des moucherons et que, tard la nuit, on pourrait entendre ses hurlements orgiaques et primitifs, sur fond de « Zobi la mouche ».

Quant à nous, on finalise ce numéro depuis les proches tables de la Plaine en lutte1, vêtus de notre t-shirt Je suis Hervé. Et on prie, oh oui on prie, pour que jamais on ne se retrouve expulsé de ce merveilleux local en plein air. Parce que sinon, on sera forcé de retourner bosser rue Consolat, avec la meute de moucherons fous. Et là : end of the haricots. Bref, si vous aimez le chien rouge et ses affidés, vous savez ce qu’il vous reste à faire : Occupy the Plaine !

Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.

Nous, c’est CQFD, plusieurs fois élu « meilleur journal marseillais du Monde » par des jurys férocement impartiaux. Plus de vingt ans qu’on existe et qu’on aboie dans les kiosques en totale indépendance. Le hic, c’est qu’on fonctionne avec une économie de bouts de ficelle et que la situation financière des journaux pirates de notre genre est chaque jour plus difficile : la vente de journaux papier n’a pas exactement le vent en poupe… tout en n’ayant pas encore atteint le stade ô combien stylé du vintage. Bref, si vous souhaitez que ce journal puisse continuer à exister et que vous rêvez par la même occas’ de booster votre karma libertaire, on a besoin de vous : abonnez-vous, abonnez vos tatas et vos canaris, achetez nous en kiosque, diffusez-nous en manif, cafés, bibliothèque ou en librairie, faites notre pub sur la toile, partagez nos posts insta, répercutez-nous, faites nous des dons, achetez nos t-shirts, nos livres, ou simplement envoyez nous des bisous de soutien car la bise souffle, froide et pernicieuse.

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1 Voir « Urbanisme à la tronçonneuse – La Plaine emmurée », CQFD n°170, novembre 2018.

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