Communiste non encarté

« LE MARDI 11, en sortant tôt de chez moi, j’ai vu deux cars de CRS qui bloquaient la route devant la ferme du Goutailloux. Je suis descendu au bourg. Devant la mairie, il y avait une nuée de types de la police judiciaire. La gendarmerie avait bouclé le secteur, personne de civil sur la place. Je vois un policier masqué qui sort d’une voiture et je lui dis : “C’est un remake de Zorro, là ?” Il n’a pas apprécié. J’ai demandé : “Il se passe quoi ?” “C’est top secret”, il me fait. Secret de polichinelle : quand j’ai vu la télé, j’ai senti le coup monté. L’hôtelier, qui est premier adjoint, m’a laissé entendre que certaines équipes télé étaient là depuis la veille. C’est plus une affaire politique que les quatre bouts de ferraille qu’on a trouvés sur les caténaires. Et puis, ces jeunes, je les connais bien. Quand ils ont voulu s’installer dans le coin, ils sont venus me voir. C’était en 2003, j’étais maire. Je les ai mis en contact avec le monsieur qu’on vient d’enterrer, un ancien de l’Armée secrète, proche des FTP, un ami. Cette ferme, je la connais bien, je l’ai travaillée pendant vingt ans. Ils ont fait affaire, tant mieux. Je leur ai montré la meilleure parcelle pour un potager et je l’ai labourée avec mon tracteur. Je leur ai laissé les outils, donné des conseils. Ils ont vite appris. On s’est liés d’amitié, on cassait la croûte ensemble. Ça m’a rappelé le temps où la terre se travaillait collectivement. Pour moi,c’est des jeunes fantastiques. En plaisantant je leur disais : “Il faut penser à l’école communale, il faut faire des enfants.”La première gamine est née le 28 juillet 2005. Sa mère est incarcérée.

Je suis communiste non encarté. Depuis 1919, la mairie était rouge. J’ai eu la malchance de faire la guerre d’Algérie. On se battait contre, à coup d’affiches et de slogans peints sur les routes. J’étais sans doute considéré comme terroriste, à l’époque : on m’a envoyé au Maroc, puis en Algérie. Le sous-préfet n’a pas apprécié que je compare ça à l’entrée des WaffenSS en avril 1944. Ils cherchaient des juifs et des communistes. Les gens ont fui dans les bois. Les SS ont trouvé quatre juifs qu’on avait cachés et ils les ont abattus à quelques kilomètres d’ici. C’est la réalité, elle est infalsifiable, elle est écrite dans le sang.

Ici, tout ce qu’on a, on l’a obtenu par la lutte collective : le maintien de l’école, la crèche municipale, les chemins d’accès aux hameaux… Et voilà que les courageux du conseil régional nous suspendent la subvention pour l’épicerie !

C’est un coup médiatique : le gouvernement est dans la merde, alors il jette ces jeunes en pâture pour faire oublier la crise. Techniquement, ces sabotages n’étaient pas à la portée d’intellos comme eux. J’ai parlé à des cheminots : pour intervenir sur ces caténaires, il faut couper le courant, c’est trop dangereux. Et puis, le désengagement de l’État, les réparations qui ne se font plus : ils veulent noyer le poisson. Il faut casser la procédure antiterroriste. C’est pour ça qu’on a monté le comité de soutien. »

Jean Plazanet, ancien maire de Tarnac, propos recueillis le 26/11/08.

Voir aussi « Tarnac résiste à l’arnaque » et « Quand l’exception devient la règle ».

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