Ça brûle
Ne travaillez jamais (pas comme nous)
Paraît qu’on n’est pas sérieux quand on a vingt ans (ou un truc dans le genre). La bonne blague. Suffit de voir le taf qu’on a abattu pour ce numéro anniversaire de 40 pages, un coup à se faire inviter au siège du Medef pour témoigner des délices de l’auto-exploitation devant des ronds-de-cuir subjugués. C’est d’ailleurs l’une des interrogations qui revient dans les pages de ce dossier anniversaire : par quel machiavélique coup du sort un journal lancé par des chômeurs heureux et continué par des branleurs et branleuses devant l’éternel, par ailleurs propagandistes du rien foutre comme sport de combat, s’est-il transfiguré en espèce de succursale de l’enfer stakhanoviste ? (Il se peut qu’on exagère…)
Si on s’auto-exploite avec autant d’entrain, c’est sans doute parce qu’on croit à ce qu’on fait
Si on s’auto-exploite avec autant d’entrain, c’est sans doute parce qu’on croit vraiment à ce qu’on fait. Mordicus. Tellement que douze travaux d’Hercule ne nous suffisent pas : à l’occasion on fait des heures sup’. Témoin, Adrien, notre graphiste en graphite. Y a pas dix jours, balayant notre plan de vol, il tonnait que 32 pages c’était pas assez, qu’il en voulait 40, 48, 64, 128, 256, une pé-nin-sule ! Et que, si des contre-révolutionnaires rechignaient à la tâche, il se chargeait personnellement de remplir le numéro avant de leur régler leur compte. Le voilà maintenant livide, le poil terne, la lippe flasque, après avoir maquetté ce journal nuit et jour tel Michel-Ange dans sa chapelle Sixtine. Ou Jonas, notre secrétaire de rédaction, qui a bossé hier soir jusqu’à quatre heures du mat’ malgré une affection purulente qu’il appelle « crève », mais évoque furieusement une suintante maladie tropicale.
Quoiqu’il en soit on est pas à plaindre, gros·se. Car notre labeur n’est pas sans distractions. Il n’y a pas cinq minutes, on a ainsi tous sursauté en entendant Benoît Callas beugler : « Oh peuchère, j’ai pécho la vidéo où Erdoğan se chie dessus en direct à la télé ! » Branle-bas de combat, vas-y qu’on s’attroupe tous autour de l’écran pour commenter la petite mine bien patraque du tyran moustachu. « C’est quand même paradoxal, quand Erdoğan a la chiasse il a la même tête que Dussopt constipé », commente l’un d’entre nous dont on taira le nom mais à coup sûr futur grand éditorialiste. « Pas de doute, c’est clairement des pets qu’on entend en arrière-fond », analyse courageusement un autre, promis au Pulitzer.
Ce moment de poésie passé, passons au constat : vous voilà avec le fruit de notre labeur entre vos petites papattes. Et on espère que vous en saisissez la portée historique. Vingt piges ! L’exploit n’est pas mince, notre canard pouvant se flatter d’avoir largement dépassé l’espérance de vie du canard domestique moyen (qui peut quand même atteindre douze ans). Pour son alter ego sauvage, instinct-animal.fr affirme que « la durée de vie du canard colvert est de 25 à 30 ans, même si rares sont ceux qui atteignent cet âge à l’état sauvage ». Ça va, ça nous laisse encore quelques années…
En attendant, on va fêter ça allégrement (parce que, ouais, on travaille dur les semaines de bouclage, mais pour le reste…). D’abord à Marseille chez les aminches de Manifesten le 5 mai, petite boum à tout casser. Et puis le 20 mai à La Parole errante à Montreuil, avec tout un tas de trucs de ouf. Plus d’infos en fin de canard. Coin coin.
En attendant, n’oubliez pas : ne travaillez jamais. Sauf si vous avez vraiment envie. Sauf si vous n’avez pas le choix.
⁂
PS : On nous souffle dans l’oreillette que notre dernier numéro (spécial bordel général) aurait connu des problèmes de distribution. Si c’est le cas chez vous et que vous ne l’avez pas reçu, écrivez-nous à abonnement@cqfd-journal.org.
Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.
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CQFD n°220 (mai 2023)
CQFD fête ses 20 ans d’existence ! Notre numéro 0 est en effet paru en avril 2003, notre numéro 1 le mois suivant… Un média indépendant qui tient deux décennies, qui plus est sur papier et toujours en kiosque, ce n’est pas si courant et on s’est dit que cela méritait d’être célébré ! Voici donc un numéro anniversaire (40 pages au lieu de 24 s’il vous plaît) avec un copieux dossier consacré à la vie trépidante du Chien rouge.
Mais on parle aussi de bien d’autres choses : depuis l’opération militaro-policière Wuambushu vue depuis Marseille (première ville comorienne du monde) à un entretien avec Lise Foisneau autour de son livre consacré aux Roms de Provence, des exploitées de la crevette au Maroc jusqu’aux victimes de crimes policiers au Sénégal en passant par les luttes pas toujours évidentes contre les barrages en Thaïlande... Et le mouvement social qui se poursuit encore et encore, évidemment ! On lâche rien !
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Paru dans CQFD n°220 (mai 2023)
Dans la rubrique Ça brûle !
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Mis en ligne le 05.05.2023
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