Mais qu’est-ce qu’on va faire de... Willy Schraen ?

Trouver une tête-à-claques à claquer, un concept fumeux à fumer, une quiche à entarter... C’est la raison d’être de notre chronique Mais qu’est-ce qu’on va faire de.... Aujourd’hui : l’inénarrable big boss de la Fédération nationale des chasseurs.

« Si on interdit la chasse le dimanche, cela risque de faire augmenter les féminicides. » En vrai, lorsque ces mots attribués à Willy Schraen, le patron de la puissante Fédération nationale des chasseurs (FNC), ont circulé sur Twitter en janvier dernier, on a mis quelques minutes avant de vérifier la source et découvrir qu’ils émanaient d’un compte parodique… C’est qu’avec le boss des crosses on peut s’attendre à tout, et donc au pire. La liste de ses provocations est longue comme le canon d’un calibre 12. Pour 2022 on lui doit : une invitation « à se promener chez eux »1 aux marcheurs du dimanche effrayés à l’idée d’être pris pour des sangliers ; un numéro de haute-voltige complotiste sur fond de campagne des législatives, « On nous parle de canicule, d’écologie... bizarrement dans l’entre-deux-tours ! Les rapports du Giec qui sortent tous les trois jours quand on est dans les élections, ça commence à bien faire aussi2 » ; une minimisation mensongère des victimes d’accidents de chasse, « moins d’une par an », affirme-t-il, quand l’Office français de la biodiversité recense, pour la saison 2020-2021, 80 accidents de chasse dont sept mortels, et souligne que la part de non-chasseurs parmi les victimes ne cesse d’augmenter3 ; et, in fine, pour en revenir à la possible interdiction de la chasse le dimanche, cette sortie lourde de sous-entendus : « Je ne vous donne pas cinq ans et vous avez la ruralité à feu et à sang »4. Dans la bouche d’un gus qui peut revendiquer le soutien de plus d’un million d’adhérents armés, on imagine le tableau promis : si Willy Schraen n’a que peu goûté les Gilets jaunes (il aime l’ordre, Willy), on comprend qu’il lâcherait volontiers ses Gilets oranges sur les ronds-points, et pas la crosse en l’air… Message reçu à l’Élysée, l’idée d’une interdiction dominicale a été recalée.

Méfiance donc, car derrière ses rodomontades, on a là un client qui aime fricoter avec les politiques, guère avares de largesses à son encontre, surtout Macron. Son premier quinquennat ne fut qu’une suite d’amabilités : division par deux du prix du permis de chasse qui, passant de 400 à 200 euros, a attiré de nouveaux pratiquants et bien rempli les caisses de la FNC, pas d’interdiction de la chasse à courre, dérogations de tir sur certaines espèces protégées. Ajoutons à cela un gros cadeau en espèces sonnantes et trébuchantes : les aides publiques à la FNC sont passées de 27 000 euros par an en 2017 à… 11,4 millions en 2021 ! Certes, une loi sur la réforme de la chasse en 2019 a opéré un transfert de missions de l’État vers la fédération et fait mécaniquement augmenter le montant des subventions allouées, mais en ces temps de disette publique les « viandards » semblent particulièrement chouchoutés…

Le pire, c’est qu’avec toutes ces attentions, le Willy prend la confiance : en février 2022, il initie une pétition, « Pour la fin de la réduction fiscale pour les dons aux associations qui utilisent des moyens illégaux contre des activités légales », qui recueille les 100 000 signatures nécessaires pour qu’une mission sénatoriale ad hoc se crée et qu’il soit auditionné sous les ors de l’hémicycle. Bilan : en décembre, le Sénat rend ses conclusions et « souligne qu’il n’est pas acceptable que des associations qui commettent des infractions bénéficient indirectement d’un soutien public via la réduction d’impôt pour les dons ». Dans le viseur, les associations de défense de l’environnement qui auraient l’idée de mettre des bâtons dans les cartouchières, comme par exemple la Ligue de protection des oiseaux ou Greenpeace, noms honnis par Willy Schraen. Car lui, il répète à l’envi que « les chasseurs sont les premiers écologistes de France », et tant pis pour les dommages collatéraux. Vous avez demandé l’éco-fascisme ? Willy est là pour vous répondre !

Frédéric Peylet

Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.

Nous, c’est CQFD, plusieurs fois élu « meilleur journal marseillais du Monde » par des jurys férocement impartiaux. Plus de vingt ans qu’on existe et qu’on aboie dans les kiosques en totale indépendance. Le hic, c’est qu’on fonctionne avec une économie de bouts de ficelle et que la situation financière des journaux pirates de notre genre est chaque jour plus difficile : la vente de journaux papier n’a pas exactement le vent en poupe… tout en n’ayant pas encore atteint le stade ô combien stylé du vintage. Bref, si vous souhaitez que ce journal puisse continuer à exister et que vous rêvez par la même occas’ de booster votre karma libertaire, on a besoin de vous : abonnez-vous, abonnez vos tatas et vos canaris, achetez nous en kiosque, diffusez-nous en manif, cafés, bibliothèque ou en librairie, faites notre pub sur la toile, partagez nos posts insta, répercutez-nous, faites nous des dons, achetez nos t-shirts, nos livres, ou simplement envoyez nous des bisous de soutien car la bise souffle, froide et pernicieuse.

Tout cela se passe ici : ABONNEMENT et ici : PAGE HELLO ASSO.
Merci mille fois pour votre soutien !


1 « Politiques, à table », LCP, 06/05/2022.

2 « Les grandes gueules », RMC, 14/06/2022.

3 Reporterre, 03/01/2023.

4 France info, 06/01/2023.

Facebook  Twitter  Mastodon  Email   Imprimer
Écrire un commentaire

Cet article a été publié dans

CQFD n°217 (février 2023)

Alors que le mouvement contre la (énième) réforme des retraites s’intensifie, nous ouvrons ce numéro de février par analyse et témoignages... en attendant la grève générale ? Ce n’est pas sans rapport, vu la répression brutale qui a répondu aux dernières grandes mobilisations populaires (loi Travail, Gilets jaunes...) : notre dossier du mois est consacré aux luttes qui défliquent. Huit pages en mode ACAB pour mettre en lumière celles et ceux qui réfléchissent et agissent pour un monde sans police. On revient également, via un long entretien avec le journaliste Rémi Carayol sur le fiasco de la présence militaire française au Sahel. On parle de murs à abattre. Mais ce n’est pas tout... Demandez le programme !

Trouver un point de vente
Je veux m'abonner
Faire un don