L’entremonde de la révolte épicée

par Rémi

Je passe d’une sorte d’utopie-éclair, sous forme d’happening mécréant pro-Pussy Riot dans une église orthodoxe de Toulouse1 à l’éloge d’une autre espèce d’utopie jubilatoire : la création en Suisse d’une fabrique de livres foutrement dangereux. Les « francs vauriens » (selon l’expression du romancier émeutier belge Georges Eeckhoud) des éditions Entremonde veillent en effet sourcilleusement à ce que chacun de leurs titres soit aussi utile à dégoupiller qu’une grenade incendiaire. Depuis les classiques de l’histoire de la subversion téméraire comme La Révolution inconnue de Voline jusqu’à certains ouvrages séditieux beaucoup moins répandus. Comme, très récemment, Marxisme, dernier refuge de la bourgeoisie ? de l’agitateur Paul Mattick, fer de lance de l’opposition révolutionnaire radicale dans l’Allemagne d’après 14-18 (spartakisme, dadaïsme, conseils ouvriers) qui explique implacablement comment le mouvement ouvrier s’est intégré visqueusement à la politique bourgeoise.

Introduit par le même Mattick, La Révolution n’est pas une affaire de parti (1939) d’un autre grand fouteur de merde outre-Rhin, Otto Rühle, s’avère lui aussi d’une clarté foudroyante : « En diagnostiquant comme maladie infantile du communisme le refus révolutionnaire des compromis, Lénine souffrait de la maladie sénile de l’opportunisme, du pseudo-communisme. »

L’on doit également aux éditions Entremonde un documentaire couillu sur l’école Ferrer de Lausanne qui sema la mauvaise graine anti-autoritaire dans les cervelles fermentées à pâte molle des petits Suisses. Ainsi que trois reflets galvanisants des luttes poivrées en Italie. Outre le mémorable Nous voulons tout de Nanni Balestrini, nous épinglerons La Joie armée (1977) du stupéfiant Alfredo M. Bonanno (son œuvre insurrectionnelle complète est à traduire d’urgence) qui met en pièces le concept d’autogestion de la production quand il ne vise pas la fin du travail et de toutes les variétés de sacrifice. Et préconise, à l’instar des yippies des seventies (Do it !), la guérilla dans le plaisir. Sans oublier Les Autoréductions de Yann Collonges et Pierre Georges Randal qui raconte par le menu les grèves d’usagers souvent cocasses en France et en Italie de 1972 à 1976. Lors d’une de celles-ci, un gros négociant en viandes fut enlevé en pleine campagne électorale et ses ravisseurs exigèrent pour rançon que « les bouchers des banlieues ouvrières vendent au prix de 2 000 lires le kilo la viande de première qualité dont le prix est ordinairement de 6 000 lires ».

Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.

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1 www.gloupgloup.be (Quoi de neuf ? Ventre de bœuf !).

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