Danser sous la tempête

Ben PLG : La lutte des classes sous les bruits de klaxons

Dans son dernier album Dire je t’aime le rappeur BEN plg raconte les galères du quotidien, mais décrit surtout un univers où la joie, l’entraide et l’amour des siens dominent. Haut les cœurs !
Ben PLG

Arrivé dans le milieu de la musique « comme un créneau en Renault espace  », BEN plg a fait son trou sur la scène rap depuis son passage express à l’émission Nouvelle École, une télé-réalité musicale branchée hip-hop, dont il a été éliminé dès les premiers épisodes en 2022. Grand sourire et touffe blond-platine, il représente la France du Nord, celle des bassins ouvriers en déclin, des PMU et des HLM sous la grisaille. Dans son dernier album Dire je t’aime (janvier 2024), il casse les codes et rime l’entraide et l’abnégation des siens, sans oublier l’amour qu’il aimerait voir fleurir dans le cœur de ses potes.

« J’raconte la rue, j’raconte l’arrêt de bus / La vodka, la redbull.  » Pour celles et ceux qui ont appris à tromper l’ennui loin des centres-villes, les punchlines de BEN plg ont quelque chose de la madeleine de Proust. « La fourchette sur la télé pour la connexion  » ou « les trous dans le mur qu’on cache à la peinture  » – les anecdotes ont un goût authentique, et nous plongent immédiatement dans son univers, celui des cités du nord de la France. Il rappe les violences du quotidien, celles des pères et des masculinités débridées, de la police, et d’un destin social qui n’offre que peu d’espoir : « Les petites sœurs dans l’tertiaire, les mamans dans l’Tercian [médicament antipsychotique]. » Mais dans toute cette grisaille sociale, il y a aussi des jours de soleil – et une identité de classe ancrée profonde dans le cœur.

Tout au long de l’album, il réhabilite la dignité des siens, décriés par les médias et l’école : « Ils croient qu’on est bon qu’à ça ? / À répondre en “bon ok”, à payer en bon d’achat ? » Rappel : « Ça existe pas les bons à rien.  » Et leur monde est souvent riche d’entraides et de petites joies. Celles de la famille « où il y avait toujours des pâtes et de l’amour en rab  », des vacances « dans des bleds de fond de ligue 2 […] c’était merveilleux  », et des amis d’enfance, « les préférés de la cantinière, depuis les céleris rémoulade  ». Du coup, sa cité, BEN ne veut plus la quitter : il propose de « colorier des HLM  », plutôt que de se barrer ailleurs.

À l’heure où le rap joue encore trop souvent aux gros bras, dans le morceau éponyme de l’album Dire je t’aime, il appelle aussi à dépasser les barrières masculines « Entre mecs on s’dit pas qu’on s’aime  », et cherche à ouvrir le dialogue « J’aimerais qu’il me raconte ses soucis, ses problèmes / Mais on parle que d’ football, de musique et d’oseille. » Plutôt que des postures viriles et individualistes, ses textes parlent d’espoir et d’entraide. Et propose de relever la tête plutôt que de subir son destin de classe : « Maintenant on n’tremble devant plus personne / La lutte des classes avec d’l’autotune sous les bruits de klaxons. » Et à se souvenir que ceux qui ont « grandi arrosés par l’averse » savent « danser sous la tempête ».

Par Étienne Jallot
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CQFD n°229 (avril 2024)

Dans ce numéro 229, c’est le retour de notre formule trimestrielle de 32 pages ! Un dossier spécial détachable sur l’Inde « Mousson brune : fascisme et résistances en Inde » nous emmène voir le pays le plus peuplé du monde autrement, auprès d’une société indienne qui tente de s’opposer à Narendra Modi et son suprémacisme hindou. Hors-dossier, des destinations plus improbables encore : CQFD s’invite dans les forêts du Limousin, à Montpellier observer la sécurité sociale alimentaire, et même dans la tête d’un flic. On y cause aussi droit international avec l’état d’Israël en ligne de mire, on y croise une renarde comme dans le petit prince, et on écoute les albums de Ben PLG et le pépiement des oiseaux printaniers.

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