Dossier : La mort qui tue

Numérique : Poussière tu étais, pixels tu seras !

C’est bien connu, le numérique est une hydre infernale qui investit jusqu’aux pores du vivant. Et voilà qu’il s’attaque au repos éternel de nos chers défunts. Virée non exhaustive sur la toile d’une mort devenue virtuelle.
Par L.L. de Mars.

« Nous avons bien pris en compte votre demande de devis. Il est possible qu’un conseiller de notre équipe Meilleures-Pompes-Funèbres vous contacte afin de préciser quelques éléments avec vous et valider votre demande. Nous nous engageons à transmettre votre demande dans les plus brefs délais à un ou plusieurs de nos partenaires locaux agréés. » C’est ainsi que le site meilleures-pompes-funebres.com répond lorsqu’on le sollicite pour trouver une agence à proximité. Marbrerie, crématorium, devis gratuit, tout est là, à portée de clic. Avec le numérique, mourir n’a jamais été aussi simple. « Nous avons pu organiser les obsèques de notre mère dans des conditions sereines », s’esbaudit un client « évaluateur ». Le site e-obseques.fr fait sa promo en se présentant comme « assistant funéraire ». Profession  : « Poser une pierre tombale et organiser des obsèques de qualité en s’assurant du niveau irréprochable de [nos] prestations, tout en conservant la discrétion, l’éthique, et la déontologie de notre métier. »

De tout temps, le business des croque-morts a eu mauvaise presse. Quoi de plus facile que de profiter de gens déboussolés par le deuil pour glisser quelques surfacturations ? Sur Internet, la jungle du marché de la mort se fait encore plus dense. « 10 % des magasins ne présentent déjà plus les cercueils aux familles de façon traditionnelle mais sur écran », indiquait un responsable du secteur1. Pas étonnant que fleurissent tout un tas de comparateurs de prix. Si on en croit un site comme dansnoscoeurs.fr, nous pleurerons bientôt nos morts avec des larmes de pixels. Le site se veut de « commémoration familiale » et permet de rédiger des condoléances, de signer le livre d’or et… d’allumer une chandelle virtuelle  ! Coût de la bougie perpétuelle  : 35 euros. Les radins ou les gueux pourront se satisfaire de la bougie blanche à deux euros, censée briller un mois dans l’espace numérique. Ajouter au panier ?

La peste avait ses bubons, nos horizons de purge austéritaire ont leur low-cost. Après avoir contaminé les compagnies aériennes, les chacals en ligne lorgnent sous les hardes de la camarde – et sur le pactole des 2,3 milliards d’euros du chiffre d’affaires du marché funéraire (source Insee 2013). Le site ecoplusfuneraire.com propose aux bourses plates une formule éco à 1 350 euros, un tout-en-un comprenant l’organisation des obsèques, la mise en bière, le cercueil – en pin massif, les plus gourmands pourront se payer du chêne moyennant une rallonge de 295 euros –, le transport du macchabée et l’inhumation.

Sur sa page au bandeau myrtille, le site afterweb-venture.fr annonce la couleur puisqu’il se positionne comme «  l’éditeur Web leader dans le domaine du deuil, en particulier auprès des sociétés cherchant à conquérir des parts de marché et de la notoriété ». Au chapitre des produits en boum exponentiel  : la retransmission vidéo de cérémonies funéraires. Un progrès technologique qui a su séduire jusqu’au crématorium du Père-Lachaise. Réunir des gens qui ne peuvent être présents physiquement via des flux sécurisés, a-t-on déjà partagé douleur plus authentique ? La dernière innovation portée par la V3 offre une communication bidirectionnelle « permettant à la personne suivant la cérémonie de participer via sa webcam et dire un mot pendant la cérémonie »[sic].

Par L.L. de Mars.

Poussière tu étais, à la poussière tu retourneras. Et pour ce come-back vers l’humus, rien n’est trop high-tech. Outre-Atlantique, voici la tombe connectée. Un smartphone muni de l’applicatif ad-hoc, une tombe munie d’un code QR (Quick Response) et voilà personnalisé un site dédié au maccab’ contenant photos et vidéos, consultable devant le tombeau. Autrefois, on se recueillait avec son souvenir et sa douleur ; demain, il suffira de dégainer sa tablette.

Le dossier "La mort qui tue"

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Transhumanisme : La mort dans l’âme

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1 « Le marché du funeraire de plus en plus connecté et promis a un bel avenir » sur www.latribune.fr.

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1 commentaire
  • 31 décembre 2014, 16:59, par Jérémie Boero

    Bonjour, Je suis le fondateur de l’agence E-obseques.fr Je ne suis pas sûr que vous aillez bien compris les différences entre les services que vous énumérez dans cet article. Aussi, si vous souhaitez des détails sur notre façon de travailler, n’hésitez pas à me contacter.

Paru dans CQFD n°126 (novembre 2014)
Dans la rubrique Le dossier

Par Sébastien Navarro
Illustré par L.L. de Mars

Mis en ligne le 30.12.2014