Capture d’écran
Kick, le mauvais coup des plateformes
Une mort en direct, sous les yeux de milliers de spectateurs. Le streameur Raphaël Graven, alias Jean Pormanove, 46 ans, est décédé dans la nuit du 17 au 18 août après douze jours de sévices, filmés en continu et diffusés en direct sur la plateforme Kick. Douze jours d’humiliations, d’insultes, de baffes, d’étranglement ou encore de décharges électriques. À plusieurs reprises, celui qui était « consentant » (dixit ses bourreaux) avait voulu quitter le live (diffusion vidéo en direct). Sur Kick, les violences subies par Jean Pormanove et Coudoux, les deux souffre-douleurs de Naruto et Safine, n’étaient qu’un « contenu » comme les autres. Tous se disent « potes », « collègues » de la chaîne « Jeanpormanove », la plus suivie de France sur la plateforme.
Du côté de l’État, la justice avait ouvert une enquête en janvier 2025, avec garde à vue pour Naruto et Safine. Ils en ressortent libres et la diffusion continue. Sur Pharos, la plateforme gouvernementale qui permet de signaler des contenus et comportements en ligne illicites, les sévices retransmis en direct de Raphaël Graven et de Coudoux, un homme handicapé sous curatelle, avaient aussi fait l’objet d’environ 80 alertes. Durant les dernières semaines, la police, alertée par des viewers (spectateurs) inquiets, s’était déplacée à cinq reprises. Sur place, les agents contrôlent les identités et repartent, comme ils sont venus.
Pour les deux tortionnaires, le discours est ficelé : la chaîne Jeanpormanove c’est « des mises en scène », « de l’improvisation », « pas la réalité ». Dans la réalité des faits, en plus des insultes homophobes et sexistes à longueur de journée, on voit mal comment les coups ou le nettoyage d’excréments pourraient constituer un théâtre expérimental. De son côté, le procureur de Nice a indiqué que Jean Pormanove gagnait « des sommes à hauteur de 6 000 euros » par mois. Une exploitation de la misère dans sa forme la plus laide.
Kick, c’est ça : une plateforme poubelle où se réfugient tous les « créateurs » qu’ailleurs on ne veut plus. Diffusion de pornos à peine maquillés, jeux d’argent interdits en France, débats néonazis… Il y en a pour tous les goûts, jusqu’à l’indigestion. Créée en Australie en 2022 par Edward Craven et Bijan Tehrani, la plateforme devait initialement promouvoir leur site de casino en ligne. All in sur la misère quoi.
Faut-il s’indigner de la modération en carton (75 personnes en tout dans le monde) de Kick ? De sa tolérance pour la violence et l’humiliation monétisée ? Finalement, ces lives ne font que reproduire une machine bien en place : l’exploitation des corps, des existences fragiles et des pauvres qui n’ont plus rien à perdre. Chez Kick, une mort en direct n’est pas un drame, c’est un business model.
Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.
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Cet article a été publié dans
CQFD n°244 (septembre 2025)
Pour cette rentrée agitée politiquement et socialement, on vous propose un dossier sous le signe de détente (pas tant que ça) : les jeux vidéos. Une industrie bien capitaliste reproduisant toujours les mêmes dominations. Mais certains·es irréductibles luttent pour déconstruire tout ça. Allez, à vos manettes ! Hors dossier, on analyse de la hausse des droits de douane, on prend des nouvelles (pas très bonnes) des indépendantistes Kanaks jugés devant les tribunaux, on donne la parole aux pompiers du Sud, en première ligne face au incendies et on s’intéresse aux violences policières en Belgique.
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Paru dans CQFD n°244 (septembre 2025)
Dans la rubrique Capture d’écran
Par
Illustré par Céleste Maurel
Mis en ligne le 13.09.2025
Dans CQFD n°244 (septembre 2025)
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