Cap sur l’utopie
Fais ce que veulx !
C’est l’histoire d’un ex-fricfraqueur de charme, bourlingueur risque-tout et dynamitero de l’IRA qui, de retour aux States, y lance en 1966, à 24 balais, avec quelques poteaux issus du théâtre-guérilla de rue, le légendaire « mouvement » des Diggers. Objectif des trublions : s’emparer ludiquement d’un quartier entier, le très hippie Haight-Ashbury à San Francisco, pour en faire le laboratoire d’une véritable utopie en actes. Et ça marche du tonnerre. Conviant en musique les traîne-savates du coin et d’ailleurs à devenir en trois coups de cuillère à pot les acteurs de leurs vies, les insurgés instituent burlesquement tout autour d’eux le règne de la liberté sans freins instantanée et de la gratuité totale.
Grâce à leurs réseaux rocambolesques, à leur force de conviction coluchienne, à des stratagèmes souvent étonnants et à de culottés larcins – se faisant passer pour des déchargeurs de viande de boucherie, ils embarquent, par exemple, des tonnes et des tonnes de moitiés de bœuf dans leurs camions frigorifiques –, Grogan et ses comparses distribuent chaque jour d’innombrables repas à qui veut. Ils créent bientôt des free stores où absolument tout est offert, des free clinics, des free hotels. Et ils mettent en place un réseau d’aide juridique gratuite, des cinés-théâtres, des ateliers-garages 100 % gratos en crachant au passage sur la notion même d’altruisme christique : « Nos actions ne visent pas à aider les pauvres mais à les libérer du salaire qui les asservit. »
Héritiers des diggers cul-terreux qui, en 1649, dans l’Angleterre de Cromwell, et plus particulièrement dans le Surrey, réquisitionnèrent des terres seigneuriales pour nourrir les claquedents, à commencer par eux-mêmes, les diggers ricains des années 1970 ont démontré dans l’hilarité et la défonce que la révolution contre les chefs, les règles, le fric, le travail, la résignation pouvait s’expérimenter illico.
« Everything is free, do your own thing1. »

Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.
Nous, c’est CQFD, plusieurs fois élu « meilleur journal marseillais du Monde » par des jurys férocement impartiaux. Plus de vingt ans qu’on existe et qu’on aboie dans les kiosques en totale indépendance. Le hic, c’est qu’on fonctionne avec une économie de bouts de ficelle et que la situation financière des journaux pirates de notre genre est chaque jour plus difficile : la vente de journaux papier n’a pas exactement le vent en poupe… tout en n’ayant pas encore atteint le stade ô combien stylé du vintage. Bref, si vous souhaitez que ce journal puisse continuer à exister et que vous rêvez par la même occas’ de booster votre karma libertaire, on a besoin de vous : abonnez-vous, abonnez vos tatas et vos canaris, achetez nous en kiosque, diffusez-nous en manif, cafés, bibliothèque ou en librairie, faites notre pub sur la toile, partagez nos posts insta, répercutez-nous, faites nous des dons, achetez nos t-shirts, nos livres, ou simplement envoyez nous des bisous de soutien car la bise souffle, froide et pernicieuse.
Tout cela se passe ici : ABONNEMENT et ici : PAGE HELLO ASSO.
Merci mille fois pour votre soutien !
1 « Tout est gratuit, fais ton truc. »
Cet article a été publié dans
CQFD n°211 (juillet-août 2022)
Dans ce numéro d’été à visage psychotropé, un long et pimpant dossier « Schnouf qui peut » qui se plonge dans nos addictions, leurs élans et leurs impasses. Mais aussi : un reportage sur la Bretagne sous le joug d’une gentrification retorse, une analyse du quotidien de sans-papiers vivant « sous la menace », le récit d’une belle occupation d’usine à Florence, des jeux d’été bien achalandés, des cuites d’enfer, la dernière chronique « Je vous écris de l’Ehpad », des champignons magiques gobés avec des écrivains...
Trouver un point de venteJe veux m'abonner
Faire un don
Paru dans CQFD n°211 (juillet-août 2022)
Par
Mis en ligne le 08.07.2022
Dans CQFD n°211 (juillet-août 2022)
Derniers articles de Noël Godin