L’édito du n°221

Elles sont où, les manifs, elles sont où ?

Où en est le mouvement contre la réforme des retraites ? Une quatorzième journée de mobilisation nationale est appelée par l’intersyndicale ce mardi 6 juin, quelques jours après la parution de ce numéro… Plus d’un mois après la précédente. Un choix qui ne manque pas d’interroger, quand il ne met pas carrément les nerfs.
Manif étudiante devant l’Hôtel de Ville de Paris, le 11 mai 2023.
Photo : Serge D’Ignazio

Où en est le mouvement contre la réforme des retraites ? Une quatorzième journée de mobilisation nationale est appelée par l’intersyndicale ce mardi 6 juin, quelques jours après la parution de ce numéro… Plus d’un mois après la précédente – qui se tenait, rappelons-le, le 1er mai, un jour férié ! Un choix qui ne manque pas d’interroger, quand il ne met pas carrément les nerfs. Passée cette date, ne restera plus qu’une poignée de semaines avant la période estivale et ses longues vacances, si néfastes aux mobilisations. Difficile de ne pas y voir l’acceptation résignée d’une défaite qui ne dirait pas son nom de la part de grandes centrales tentant de sauver les apparences.

Dans un texte publié sur son blog du Diplo le 24 mai, le chercheur Frédéric Lordon résume ces critiques en tirant à boulets rouges sur une intersyndicale « partie pour perdre », menée par un Laurent Berger « leader de conflit qui hait le conflit » et qui se contente d’organiser des « démonstrations symboliques ». On ne saurait lui donner tort. Cette stratégie des journées « saute-mouton », sans blocage continu de l’activité, a prouvé à maintes reprises sa franche inefficacité. Il suffit de voir à quand remonte le dernier succès d’une lutte de travailleur·ses contre un gouvernement : trente ans ou presque1. Ça pique.

Lordon reproche aux syndicats de ne pas avoir au moins essayé de lancer une véritable grève reconductible

Face aux critiques, d’autres font valoir que l’intersyndicale a fait ce qu’elle a pu vu la réalité du terrain : des grèves somme toute limitées (notamment dans les secteurs en capacité de réellement entraver l’économie), bien peu d’auto-organisation collective, une poussée anticapitaliste un poil trop diffuse… Bref, une mobilisation massive mais en trompe-l’œil. Ce à quoi Lordon répond en reprochant aux syndicats de ne pas avoir au moins essayé de lancer une véritable grève reconductible, perdant ainsi un « mouvement imperdable ».

Souvent entendus ces dernières années, ces débats ressemblent furieusement aux dépôts de bilan marquant la fin de chaque mobilisation. Celle de ce début 2023 ne semble pourtant pas prête à s’éteindre complètement. Casserolades qui continuent d’accompagner chaque sortie de membres de l’exécutif ou de la majorité (qui ne sont décidément plus chez eux nulle part), coupures d’électricité, manifs et rassemblements locaux… On pourrait même y ajouter la bordélisation des stands du Service national universel aux quatre coins du pays.

Derniers soubresauts ? Ou changement de nature d’un combat qui s’inscrit désormais dans le temps long ? La contestation de la réforme des retraites semble en tout cas porter, voire transcender toutes les autres luttes des travailleur·ses. Ainsi, celle des salariées de Vertbaudet, dans le Nord, partie de la mobilisation pour enfler sur des revendications salariales et finalement devenir un enjeu national. Autre exemple à Lyon où, le 25 mai, des syndicalistes CGT ont bloqué le gigantesque chantier devant la gare Part-Dieu pour dénoncer les conditions de travail dans le BTP… et demander le retrait de la réforme.

La question des retraites est désormais un préalable à tout le reste, un cri de ralliement, l’étendard d’une colère plus large, d’un appel plus vaste. Celui à ne plus se laisser faire. Et à tenir sur la durée, quitte à ce que notre mobilisation se transforme mille fois.


1 On oublie pas 2006, mais cette année-là la demi-victoire sur le CPE devait bien plus à la longue grève des étudiant·es qu’à la mobilisation tardive des syndicats.

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CQFD n°221 (juin 2023)

Le dossier du mois met à l’honneur les daronnes. Celles auxquelles on reproche d’être trop ceci, pas assez cela, qu’on juge si facilement et qu’on excuse si difficilement, alors qu’elles sont prises en tenaille entre les injonctions du capitalisme et du patriarcat. Ici, des voix s’élèvent pour revendiquer d’autres manières d’être femmes et mères, et tracer des lignes émancipatrices pour des maternités libérées.
En hors dossier, un focus sur l’extrême droite : on aborde la fascisation encore accrue du pays avec le sociologue Ugo Palheta et la situation de Perpignan, devenue il y a trois ans la plus importante ville française dirigée par le RN. À Briançon, la forteresse Europe étend encore et toujours ses absurdes murailles. On part aussi dans le Kurdistan turc à l’heure de l’élection présidentielle, à Douarnenez pour rencontrer le collectif Droit à la ville, ou encore aux côtés des travailleur·ses détaché·es dans les exploitations agricoles des Bouches-du-Rhône. Pour finir à Draguignan, où les cathos tradis locaux organise de chouettes processions pour faire tomber la pluie. Amen.

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