Bibliothèque en luttes

Le Jargon libre, « bibliothèque de consultation », a ouvert ses portes en octobre 2011 après qu’Hellyette Bess, ancienne d’Action directe (AD), eut passé l’été à abattre les cloisons à la masse, à monter les étagères et à rafistoler les vieux bouquins avec quelques amis.

Qu’ont en commun une thèse sur « la Fraction armée rouge à travers les quotidiens français » ; une édition originale de la Révolution inconnue de Voline ; un tas de Crapouillots de 1937 ; un bon paquet de « bulletins intérieurs de la Fédération anarchiste » ; le Suicide, mode d’emploi de Claude Guillon ; une brochure intitulée Un aspect caché des PTT : travailler dans les égouts en 1976 ; ou encore L’Encylopédie anarchiste, éditée en petits volumes, « jusqu’à P » ? Le fait de causer social et politique, de raconter l’histoire depuis un autre point de vue, et d’être à peu près introuvables, sauf dans un petit local au 32, rue Henri-Chevreau dans le XXe arrondissement de Paris. « Lieu d’archives, d’études et de conspirations », annonce une affiche à l’entrée : « Ce sont des livres sur la lutte, précise Hellyette. Il y a l’anarchisme, le marxisme, le monde ouvrier, l’antimilitarisme, l’antireligion, l’antipsychiatrie, la lutte armée, le situationnisme, mais aussi de la philo, des romans, de la poésie. Au sous-sol, ce sont des archives, des journaux, des revues, des brochures, des tracts. Tout ça vient de ma bibliothèque personnelle, de dons et quelques livres de l’ancienne librairie. » Car avant de renaître de ses cendres sous forme de bibliothèque, le Jargon libre était, de 1974 à 1984, une librairie associative gérée par une quinzaine d’ex-« Jeunes libertaires » – « on voulait garder les initiales JL. » Une librairie sans salariés, qui a tenu aux Gobelins jusqu’à l’arrestation d’Hellyette pour son appartenance à AD. « Quand je suis sortie de prison, j’ai essayé de relancer la librairie, ça n’a pas marché, donc j’ai voulu monter une bibliothèque. » Des amis mettent leurs lieux à disposition dans les années 1990 et 2000 : les éditions l’Insomniaque, la revue Tiqqun, la Parole errante d’Armand Gatti. Les solutions restent précaires, et la bibliothèque migre jusqu’à Ménilmontant, dans un local commercial à huit cent cinquante euros par mois de loyer. « C’est complètement auto-financé. Il y a des copains qui donnent du fric, la Fraction a déjà fait deux concerts pour nous, et puis on tente d’arriver à ce que les gens financent le projet en tant que tel », via une cotisation de dix euros par mois. Qui permettra aussi d’investir dans une photocopieuse. Le Jargon libre se veut résolument ouvert sur le quartier : « L’idée c’est que les gens y trouvent un lieu de convivialité et de repos, qu’ils puissent à la fois lire et discuter. » On peut passer tous les jours, sauf le dimanche, de 14 heures à 20 heures – et un peu plus tard certains soirs : se met en place un calendrier de rencontres autour des livres, avec leurs auteur-e-s ou d’autres intervenant-e-s1. « Il faut que ça se transmette. C’est quand même une richesse du mouvement, tout ça », conclut Hellyette en regardant les rayonnages.

Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.

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1 L’agenda du Jargon libre est annoncé sur http://paris.indymedia.org.

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Paru dans CQFD n°95 (décembre 2011)
Dans la rubrique Ma cabane pas au Canada

Par Juliette Volcler
Mis en ligne le 03.02.2012