Cap sur l’utopie / n°203

Besoin d’évasion

Dès qu’on se documente sur les journées incandescentes de juin 1848 et leurs suites répressives, on se réfère aussitôt aux récits d’exil de Victor Hugo et aux souvenirs du fer de lance de la Commune, Charles Delescluze. Grâce aux éditions Anamosa1 et au tatillon professeur Michaël Roy de l’université Paris-Nanterre, nous avons désormais sur les événements un témoignage choc : celui du comptable insurgé Léon Chautard qui fut coffré lors des troubles et « transporté » de Montmartre à Belle-Île, puis en Algérie et au bagne de Cayenne dont il parvint à s’évader. L’intrépide Léon gagna ensuite le Suriname, (anciennement Guyane hollandaise) et la Guyane britannique avant d’allonger ses compas jusqu’aux States où, soutenu par le milieu abolitionniste, il écrivit et publia en 1857 l’histoire de sa cavale sous le titre Escapes from Cayenne. Un texte tout à fait captivant que l’historien Roy découvrit un peu par hasard au cours de ses recherches sur l’anti-esclavagisme états-unien et qu’il se décida à traduire en français (Fuir Cayenne) sans en cacher les défauts : style bâclé, chronologie pas toujours claire, digressions continuelles, usage des temps hasardeux…

Des défauts n’handicapant pas vraiment notre lecture avant tout enflammée par le désir merveilleux de Léon de tout foutre en l’air pour réimaginer le monde. Et puis elles ne manquent pas les très bonnes raisons d’avoir le pépin pour Léon Chautard.

 En 1834, il est déclaré déserteur.
 Il défend sur les barricades de 1848 une « République d’émancipation et de bien-être collectif ».
 Il demande l’abolition de tous les privilèges sous quelque forme qu’on les présente.
 Il est dépeint par les registres de la prison de Belle-Île comme « un ardent meneur dangereux sous tous les rapports ».
 En 1849, il est accusé d’avoir provoqué une rébellion de détenus.
 En 1858, dans un journal de Boston, il est décrit, ainsi que quelques autres « socialistes français », comme « un niveleur », c’est-à-dire « un partisan de l’égalité absolue ayant pour projet de renverser l’ordre social ».
 Dans les années 1850, il proclame qu’ » un esclave a le droit de tuer le maître qui, par la force, le retient dans les chaînes ».
 En 1858, il justifie les attentats, d’abord à la bombe, ensuite au pistolet, contre le tyran Napoléon III.

Mais il faut aussi crier sur les toits que, dans le cadre des incursions volcaniques des fauteurs de troubles français aux États-Unis, il est impératif de chérir le génial Libertaire  ! Essais sur l’écriture, la pensée et la vie de Joseph Déjacque (1821-1865), orchestré par Thomas Bouchet et Patrick Samzun pour les Presses universitaires de Franche-Comté.

À votre Chautard ! À votre Déjacque !

Noël Godin

Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.

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1 Qui ont publié cette année Léon Chautard. Un socialiste en Amérique 1812-1890, de Michaël Roy. L’ouvrage comprend en seconde partie Fuir Cayenne, un texte de Léon Chautard.

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Cet article a été publié dans

CQFD n°203 (novembre 2021)

Dans ce numéro, un dossier "cette mort qu’on nous vole". Mais aussi : une enquête sur la traque des migrants à Calais, un entretien sur la militarisation de la police, les confessions d’un rebelle irlandais, l’évasion d’un prisonnier palestinien...

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