Qui aurait pu prédire ?

Y a le feu au lac

Après les feux de cet été qui ont ravagé une partie du nord de Marseille et des Corbières dans l’Aude, les pompiers alertent sur notre impréparation collective face aux risques d’incendie.

« On veut comprendre ce qui s’est passé, pourquoi autant de maisons ont été touchées », explique Emmanuel Franc. Il représente le Collectif de l’incendie du 8 juillet qui s’est créé pour répondre à l’urgence et organiser la solidarité entre les habitants : le relogement, le déblayage et la transmission d’informations. Le 8 juillet dernier, son fils âgé de 17 ans est seul chez lui, dans leur maison à La Pelouque dans le 16e arrondissement de Marseille, lorsqu’un incendie parti plus tôt dans la matinée se rapproche dangereusement de leur habitation. Malgré les consignes de la Préfecture, intimant à chacun de rester chez soi pour faciliter la circulation des pompiers, il quitte finalement le navire, chats et papiers sous le bras, avant que les flammes n’emportent la toiture, la véranda et le garage. « Si mon fils avait respecté l’ordre de se confiner, aujourd’hui il serait mort », raconte Emmanuel Franc. Cette maison est l’une des 91 sinistrées par un feu dévastant 700 hectares à Marseille et alentour. Rarement un incendie a détruit autant d’immobilier en France. Alors les habitants s’interrogent. Pour obtenir des réponses, le collectif des sinistrés réclame la publication du rapport général d’opération, qui détaille minute par minute le déroulement de l’intervention des pompiers : quelle unité est arrivée, à quel endroit, à quelle heure, et quels ordres ont été donnés. Des informations qui sont censées être rendues publiques à la demande des citoyens.

« La situation la plus critique est celle des Canadairs, dont la moyenne d’âge est aujourd’hui de 30 ans »

Du côté du Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) des Bouches-du-Rhône, on explique les ravages de ce feu par son caractère imprévisible et par la difficulté d’accès aux habitations dans le secteur. « Parfois nous arrivons trop tard sur une maison pour la défendre parce que des véhicules bloquent les voies d’accès aux secours et c’est difficile pour nous de nous frayer un chemin, relate Laurent Guilloteau, secrétaire général CGT du SDIS 13. De plus, les plans locaux d’urbanisme, notamment avec la création de lotissements, ne favorisent pas l’arrivée des pompiers. »

Impréparation collective

Alors que le mois d’août a été marqué par un mégafeu dans l’Aude, parcourant 17 000 hectares, blessant 23 personnes et ôtant une vie, et que tout indique que ce type de catastrophes est amené à se multiplier au cours des prochaines années sous l’effet du changement climatique, paraissait le 2 juillet dernier un rapport peu engageant produit par des députés de la Commission des finances. D’après le travail des rapporteurs, la flotte aérienne civile chargée d’intervenir en cas d’incendie est aujourd’hui vétuste, faute d’investissements suffisants. « La situation la plus critique est celle des Canadairs, dont la moyenne d’âge est aujourd’hui de 30 ans. [...] En découle une disponibilité des appareils très insuffisante, aucun avion n’ayant été en état de voler certains jours durant l’été 2024 », peut-on lire dans le rapport. Or depuis 2015, aucun nouveau Canadair – au nombre de douze en France – n’a été construit et que des incertitudes pèsent sur les programmes de renouvellement à ce jour lancé pour cet engin essentiel lorsqu’il s’agit d’éteindre des mégafeux.

Pourtant, après un été 2022 particulièrement dévastateur, Macron annonçait le renouvellement des Canadairs ainsi que l’achat de quatre nouveaux pour 2028. « On s’était pris une première gifle en 2022 et on a pris la deuxième en 2025. Entre-temps, il n’y a pas grand-chose qui a évolué » se désole Laurent Guilloteau. Selon le responsable syndical, les services des pompiers sont désormais proches de la rupture capacitaire, c’est-à-dire de leurs limites en ressources humaines et matérielles. En cause, les réductions budgétaires imposées aux collectivités territoriales, qui financent une partie des services de lutte contre les incendies. « On ne pourra pas faire face aux événements qui nous attendent si on continue sur cette lancée », alerte le pompier des Bouches-du-Rhône. Pour la Confédération générale des travailleurs des services départementaux d’incendie et de secours, un plan de recrutement de sapeurs-pompiers professionnels et une augmentation du nombre d’engins, terrestres et aériens sont urgents. Mais la question de la préparation de l’ensemble de la population se pose également. « Qui sait quoi faire en cas d’incendie ? Comme les gestes de premiers secours, ce sont des choses que l’on devrait apprendre dès l’école. Il nous faut une culture commune de la réaction face aux feux », fait valoir Laurent Guilloteau.

Niel Kadereit

Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.

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CQFD n°244 (septembre 2025)

Pour cette rentrée agitée politiquement et socialement, on vous propose un dossier sous le signe de détente (pas tant que ça) : les jeux vidéos. Une industrie bien capitaliste reproduisant toujours les mêmes dominations. Mais certains·es irréductibles luttent pour déconstruire tout ça. Allez, à vos manettes ! Hors dossier, on analyse de la hausse des droits de douane, on prend des nouvelles (pas très bonnes) des indépendantistes Kanaks jugés devant les tribunaux, on donne la parole aux pompiers du Sud, en première ligne face au incendies et on s’intéresse aux violences policières en Belgique.

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