Puce électronique : le dernier saut de Moreno
En 1968, dans une interview donnée à l’ORTF, Roland Moreno se donnait l’air d’un jeune con désabusé. Clope au bec, air nonchalant, il nous présentait ses inventions. Des gadgets électroniques qui, selon ses dires, ne servent à rien. Une machine à faire sauter des allumettes, un oiseau électronique censé agrémenter les intérieurs d’un petit bip régulier et désagréable, ou encore une machine à tirer à pile ou face. Moreno se pensait artiste de l’électronique, ayant même réussi à vendre une de ses œuvres 65 000 francs. Il avait bien compris qu’il y a toujours des gens prêts à dépenser une fortune pour des gadgets. Mais Roland n’a malheureusement pas voulu en rester là. Au journaliste qui lui demandait s’il se voyait ambitieux ou arriviste, il répondit sans hésitation : « un arriviste ». Quelqu’un pour qui « tous les moyens sont bons pour y arriver ». Et, pour Moreno, les moyens sont « ceux qui ont la faveur publique à ce moment-là ». À savoir l’électronique. Six ans plus tard, Moreno déposait les brevets de la carte à puce.
Le 29 avril dernier, Moreno est mort. « Les puces sont orphelines », titrait Les Échos. On aurait pourtant aimé qu’il les emmène dans sa tombe « ses » puces. Qu’il emporte sa création, qu’il nettoie son bazar avant de partir. Mais non ! Ce n’était pas le genre de la maison. Fier comme une puce et excité comme un coq, il souhaitait que l’on ouvre les yeux. « Les Français doivent beaucoup à Moreno » disait-il, modeste, à propos de lui-même. Que lui doit-on, au juste ? Le développement de ces petits bidules électroniques qui ont envahi notre quotidien : carte bancaire et carte de crédit, carte SIM, porte-monnaie électronique, passe Navigo et toute la technologie sans contact, le passeport biométrique, le puçage des animaux, etc. Non, vraiment, il n’y a aucune reconnaissance à avoir vis-à-vis d’un type qui a permis de mettre en œuvre la dystopie technologique qui nous pique de partout aujourd’hui.
Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.
Nous, c’est CQFD, plusieurs fois élu « meilleur journal marseillais du Monde » par des jurys férocement impartiaux. Plus de vingt ans qu’on existe et qu’on aboie dans les kiosques en totale indépendance. Le hic, c’est qu’on fonctionne avec une économie de bouts de ficelle et que la situation financière des journaux pirates de notre genre est chaque jour plus difficile : la vente de journaux papier n’a pas exactement le vent en poupe… tout en n’ayant pas encore atteint le stade ô combien stylé du vintage. Bref, si vous souhaitez que ce journal puisse continuer à exister et que vous rêvez par la même occas’ de booster votre karma libertaire, on a besoin de vous : abonnez-vous, abonnez vos tatas et vos canaris, achetez nous en kiosque, diffusez-nous en manif, cafés, bibliothèque ou en librairie, faites notre pub sur la toile, partagez nos posts insta, répercutez-nous, faites nous des dons, achetez nos t-shirts, nos livres, ou simplement envoyez nous des bisous de soutien car la bise souffle, froide et pernicieuse.
Tout cela se passe ici : ABONNEMENT et ici : PAGE HELLO ASSO.
Merci mille fois pour votre soutien !
Cet article a été publié dans
CQFD n°100 (mai 2012)
Trouver un point de venteJe veux m'abonner
Faire un don
Paru dans CQFD n°100 (mai 2012)
Par
Mis en ligne le 19.06.2012
Dans CQFD n°100 (mai 2012)
Derniers articles de Momo Brücke