Le brasero a la patate

La Zad de NDDL : soutien légumier aux grévistes

Filer la patate aux piquets de grève. C’est tout l’objectif du réseau « La cagette des terres » imaginé au printemps par des zadistes et des paysans. Premières sorties à l’automne. Les légumes de la Zad, ses boulangeries et sa cantine volante alimentent déjà les ventres au quotidien, le moral de la lutte contre l’aéroport et sa capacité à tenir. Les squats de migrants à Nantes, les campements de Calais en profitent aussi. Pourquoi ne pas structurer cette pratique informelle en organisant un soutien actif aux luttes ouvrières, urbaines, étudiantes ? C’est l’idée de cette alliance entre cultivateurs, militant·es, syndicalistes et habitant·es de la Zad.

Le principe ? Fournisseurs du réseau, des producteurs agricoles donnent ou vendent leurs récoltes à prix coûtant ou à tarif solidaire, voire cèdent leurs invendus. Ce qu’ils font déjà à droite à gauche. À gauche de la gauche, plutôt. Le réseau implique aussi des colporteurs ambulants, ouvrant les coffres de leur véhicule perso pour trimballer les cageots de légumes, des fermes jusqu’aux piquets de grève. De la logistique en voiture banalisée, en somme. Pour assurer la trésorerie nécessaire, quelques achats de denrées à petit prix et les frais de transport, des cotisant·es solidaires s’engagent à des versements réguliers, comme pour une caisse de grève. Quatrième composante, des syndicalistes assurent la vigie des conflits qui couvent, alertent de l’imminence de grèves à venir, mettent en relation pour préparer ce soutien potager au mouvement. Idéalement, si le réseau perdure et se fait connaître, il pourra être directement sollicité par des grévistes, sans besoin d’intermédiaire. «  Mais pas question de faire les restos du cœur des grèves. On ne se voit pas verser dans l’humanitaire... Il faut veiller au caractère politique de l’initiative », commente un participant.

Structure ambulante, tractable par une voiture dotée d’une boule de remorquage, la « Sbeulinette » est en cours de montage. Des architectes ont phosphoré sur les fonctions de ce stand mobile dépliable, imaginé des parties en modules transformables, pour une version légère tractée par un vélo. Ce couteau suisse roulant pourra faire du café, proposer une sono, embarquer du matériel de radio, de quoi écrire et imprimer un tract entre les braseros et l’entrée de l’usine en grève. «  On peut amener des légumes aux grévistes, partager un repas sur place, ou prévoir sur la durée des distributions de paniers réguliers. En tenant compte du fait qu’il peut y avoir un décalage entre les produits bruts de la campagne et les habitudes alimentaires de gens qui bossent 40 heures dans une boîte », dit un maraîcher de la Zad. « On peut aussi proposer des soirées d’info sur les luttes ouvrières ou autres », ajoute une autre.

Dans la région nantaise, il y a des précédents. Les zadistes ne pensent pas aux soupes communistes des trois semaines de grève des dockers en 1907, qui servait 5 000 repas par jour. Ils ont plutôt en tête l’alliance ouvriers-paysans de Mai-68, quand le ravitaillement nantais a été géré par un comité central de grève, fugace pouvoir populaire siégeant en mairie, coordonnant approvisionnement paysan aux usines occupées et quartiers populaires. Les années 1970 et le vivace mouvement Paysan-travailleur ont perpétué cet usage autour de Bernard Lambert, syndicaliste paysan, membre du PSU, auteur du bouquin fondateur Les paysans dans la lutte de classes, publié en 1970. Rapprochement ouvriers-paysans issu de la bataille contre la loi El Khomri, composé de militants de la CGT, de Solidaires, de la CNT et du collectif paysan Copain, le récent Collectif syndical contre l’aéroport voit dans ce réseau de ravitaillement des grèves un bel outil d’alliance ville-campagne et de convergence des luttes. C’est le temps des cerises sur le brasero.

Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.

Nous, c’est CQFD, plusieurs fois élu « meilleur journal marseillais du Monde » par des jurys férocement impartiaux. Plus de vingt ans qu’on existe et qu’on aboie dans les kiosques en totale indépendance. Le hic, c’est qu’on fonctionne avec une économie de bouts de ficelle et que la situation financière des journaux pirates de notre genre est chaque jour plus difficile : la vente de journaux papier n’a pas exactement le vent en poupe… tout en n’ayant pas encore atteint le stade ô combien stylé du vintage. Bref, si vous souhaitez que ce journal puisse continuer à exister et que vous rêvez par la même occas’ de booster votre karma libertaire, on a besoin de vous : abonnez-vous, abonnez vos tatas et vos canaris, achetez nous en kiosque, diffusez-nous en manif, cafés, bibliothèque ou en librairie, faites notre pub sur la toile, partagez nos posts insta, répercutez-nous, faites nous des dons, achetez nos t-shirts, nos livres, ou simplement envoyez nous des bisous de soutien car la bise souffle, froide et pernicieuse.

Tout cela se passe ici : ABONNEMENT et ici : PAGE HELLO ASSO.
Merci mille fois pour votre soutien !

Facebook  Twitter  Mastodon  Email   Imprimer
Écrire un commentaire