Ultragauche : le marronnier

Après les casseurs dans les manifs, les médias ne ratent pas l’occasion d’agiter le chiffon rouge de l’ultragauche lors de contestations sociales radicales, pour couper la lutte de tout soutien populaire. Et justifier la répression.

Lundi 3 décembre, le thème du « Téléphone sonne » sur France Inter était : « L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes : Nécessité économique ou désastre écologique ? » Sur le plateau, deux invités se font face : Christophe Clergeau (PS) et Pascal Durand (EELV). 19 h 48, Pierre Weill, taulier de l’émission, lit le message d’un auditeur à l’attention de Pascal Durand : « Admettez-vous qu’il y a parmi les opposants à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, des gens qui sont des sortes d’anarcho-autonomes, viscéralement anticapitalistes ? Pour eux, un aéroport, c’est un symbole d’argent, un symbole de la société de consommation. Tout dialogue avec ce genre de militants violents est impossible. » Durand botte en touche, parle de la grande manifestation non-violente du 17 novembre, entre 30 000 et 40 000 pékins, des centaines de tracteurs… Hargneux, Weill le coupe et revient à la charge : « Mais y a-t-il aussi des anarcho-autonomes ? » Agacé, Durand change de braquet et aborde le sujet des violences policières avant d’avouer qu’il n’est même pas sûr « que des gens de cette nature soient arrivés sur le site ». C’est alors au tour de Clergeau de dégainer et d’intimer aux élus, sous-entendus ceux de EELV, de « se désolidariser de cette violence et [de ne pas] faire l’autruche comme s’il n’y avait pas ces personnes-là. »

Ces « personnes-là » seront débusquées le lendemain par La Dépêche du Midi. Le lecteur en aura pour son argent en lisant l’article intitulé : « Qui se cache derrière les anti-aéroport de Nantes ? ». Indigné suite à un tag sauvage – « Non à l’Ayrault Porc » – sur une façade de l’Hôtel-Dieu de Toulouse, le journaliste trace un trait d’union entre les militants mobilisés dans le bocage nantais et ceux du CREA toulousain1. Et de convoquer tout le jargon ad hoc pour les décrire – « guérilla », « mouvance », « mystérieux commando » – avant de passer le crachoir à un flic afin de dresser une sommaire cartographie toulousaine de l’activisme : « Ils ne sont pas très nombreux, 120 au maximum. Nous connaissons les meneurs, leurs visages, leurs noms parfois, pour les avoir interpellés. Soit un bon tiers, le reste, c’est le ventre mou. » Et de reconnaître que « leur force, c’est leur rapidité de mobilisation. »

Remise au goût du jour par Alliot-Marie en 2008, lors de l’affaire de Tarnac, la menace de l’ultragauche, tendance anarcho-autonome, n’en finit plus de verser ses dividendes à un complexe médiatique dopé à la doxa sécuritaire. La convocation de l’ennemi intérieur est alors utile pour porter le discrédit sur ces luttes sociales qui optent pour des modus operandi s’inventant hors du strict cadre institutionnel. Dans ce genre d’exercice, le partenariat journalisme de révérence et forces de police joue à plein et s’illustre particulièrement dans la couverture médiatique de la lutte à Notre-Dame-des-Landes. En témoigne le traitement de l’agression d’un vigile dans la nuit du 12 ou 13 novembre par Le Figaro2. On y apprend que le préposé au gardiennage a été « grièvement blessé » par « une vingtaine d’inconnus cagoulés et armés de gourdins », échappant de peu à la mort dans l’incendie de sa voiture. Terrible agression qui se solde par… cinq jours d’incapacité de travail. Soit moins que le tarif accordé à un flic pour une entorse du pouce lors d’une arrestation ! « L’acte d’une grande lâcheté, dont les conséquences auraient pu être plus dramatiques, témoigne de la violence d’une minorité autonome, venue d’ailleurs. Elle entretient l’insécurité dans le secteur3  » , conclura avec brio le quotidien Ouest-France en citant la préfecture. La voix de son maître ?


1 Campagne pour la Réquisition, l’Entraide et l’Autogestion. Cf. CQFD98 et 103.

2 « Notre-Dame-des Landes : un vigile blessé dans la nuit », Christophe Cornevin, Le Figaro du 13/11/2012.

3 Ouest-France, édition du 16/11/2012

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2 commentaires
  • 2 février 2013, 01:41

    admettent ils qu il chez les favorable a l areoport de notre dame des landes ,il y a des viceralement capitalistes, tout dialogue avec ces gens qui detiennent le pouvoir et quasiment impossible !

  • 2 février 2013, 21:52, par PLB

    L’ultra gauche, c’est la définition d’un gouvernment qui prône l’apollogie du terrorisme, qui n’hésite pas à créer des attentat terroriste et des sabottages, pour faire porter le chapeau à cette gauche qui refuse les méthodes traditionnelles. Mais surtout c’est une expression très capitaliste voir fasciste. Il n’y a qu’à voir le poids de la DCRI et de MAM dans la création de Tarnac. Ensuite la guerrilla c’est un concept, on pourrait dire que la police mène une véritable guerrilla policière. Mais dans le Saint Etat de Droit où la loi symbole écrasante de la volonté de la majorité, ne veille pas au respect de la résistance, il a pour but de mettre à terre les révoltes.

    Quand à ces politiciens, ils sont vraiment policiens ? Je pensais que c’était des pitres, nous n’avons surement pas eu la même éducation. Mais il est sûre que la culture face à la dérives des propos des socialistes de droite (PS) et des pseudos écologistes (EELV) est la mise en avant d’une faiblesse accru dans les raisonnements.

    Ils ne conaissent pas l’anarchisme, et sont les premiers à critiquer ? Ah oui pour eux l’anarchisme correspond au chaos, au bazarre, c’est sure ils ne sont pas capables d’ouvrir un dictionnaire, voir d’admettre qu’ils utilisent un terme pour un autre, comme le ferait un enfant qui apprend à parler. Arriver à ce niveau, et être aussi inculte, pour la vraie nature de la société politique. Critiquer c’est facile, mais connaitre c’est une autre chose.

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Paru dans CQFD n°106 (décembre 2012)
Par Sébastien Navarro
Mis en ligne le 01.02.2013