La Poste

La grève faisant foi

Se faire réorganiser le boulot à tort et à travers, au risque de mettre sa santé – voire son existence – en péril ? Les facteurs du 4e arrondissement de Marseille n’y tiennent guère. En avril, ils ont fait neuf jours de grève, soutenus par un collectif d’usagers. À suivre.

Imaginez. Vous lancez un grand plan de réorganisation de votre entreprise. Et là, comme un fait exprès, vos salariés se mettent à tomber comme des mouches : suicides à la pelle, sans compter les burn out. Comme vous êtes un patron dit « social » – c’est la réputation de Jean-Paul Bailly, le PDG de La Poste – vous lancez une concertation majuscule que vous appelez « Grand Dialogue ». Bien. Une fois les salariés consultés, et le rapport rendu, vous relancez votre réorganisation de plus belle. Voili-voilou. C’est en substance ce qu’il est advenu au sein de l’entreprise préférée des Français1.

Prévue pour 2012 – mais suspendue pour les raisons susnommées –, la nouvelle phase de réorganisation du bureau de La Poste du 4e arrondissement de Marseille devait entrer en vigueur en juillet 2013. Mais ses facteurs ont décidé de ne pas se laisser oblitérer la santé sur l’autel de la productivité, et leur Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a commandité une expertise au cabinet Cateis sur les conséquences d’une telle réorganisation. Initiative qui a repoussé sa mise en place d’un an. À juste titre, estime Serge Reynaud, syndicaliste Sud dans le 4e, puisque l’on apprend dans le rapport final que « la direction de La Poste a sous-évalué le temps dédié à chaque tâche. Le temps de travail théorique n’a rien à voir avec le temps pratique. » De plus, il y est avancé que leur bureau a connu « 50 % de tournées en moins en 4 ans », « 350 % d’augmentation de réclamations des usagers en 3 ans », «  200 % de plus d’arrêts maladie de longue durée » et que, en 2014, les tournées piétonnes feraient jusqu’à 10 kilomètres.

Des conclusions alarmantes qui n’ont pas empêché les tauliers de la boîte de relancer leurs attaques contre les conditions de travail de leurs salariés, sous prétexte qu’il y aurait 5 000 plis de moins à distribuer chaque jour. Les postiers du 4e se sont donc mis en grève le 17 avril dernier, alors que leur réorganisation devait entrer en vigueur. « Leur plan prévoit la suppression de sept postes de travail, soit 20 % de nos effectifs, avance le syndicaliste. En 2010, ils en avaient déjà retiré 20 %. » Le principe est simple : pour continuer à assurer le boulot, on répartit la charge de travail sur une équipe restreinte. « Il y a peut-être moins de plis, mais même s’il n’y a qu’une lettre par immeuble, on doit y passer », fait remarquer Serge, qui considère par ailleurs cette réorganisation mal ficelée. « Sur ma nouvelle tournée, ils ont oublié une rue. Pendant une semaine, personne n’a reçu de courrier. »

Lors de leurs neuf jours de grève, les facteurs ont fait le tour des autres bureaux de la ville : « Dans le 3e, ils ont été réorganisés il y a 4 mois. Ils ne s’en sortent pas, ils ne sont plus que dix-huit facteurs. Ils nous ont expliqué devoir faire un arbitrage : soit garantir la qualité du service, et terminer leurs tournées tous les jours à 16 heures. Soit préserver leur santé, et finir à l’heure normale, 13 heures. Mais ils ramènent alors du courrier au centre.  » D’après Serge, « dans l’ensemble, les mecs ne vont pas bien. Pas bien du tout. » Grâce à son mouvement, suspendu le 25 avril, le bureau du 4e a obtenu des mesures d’accompagnement, la suspension pendant 3 mois de la seccabilité – le fait de répartir des tournées sur des facteurs ayant déjà leur propre boulot à assurer – et, par la suite, la limiter à deux jours par semaine au lieu de trois. Cependant, la direction n’est pas revenue sur la suppression des sept postes. Mais pas de quoi grever l’optimisme du syndicaliste : «  Nous avons été soutenus par un collectif d’usagers nommé Stop 42. On a connu une belle dynamique, ils sont présents et actifs pour défendre leur service public. Nous allons poursuivre le mouvement avec eux. »


1 

Pour tout savoir sur la réorganisation de La Poste, et ses conséquences mortifères, lire l’ouvrage de Sébastien Fontenelle, Poste stressante, Le Seuil, 2013.

2 Contact : stop4@laposte.net.

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