Pascal Comelade

Activisme musical et expérimentations soniques

Cerner l’œuvre de Pascal Comelade ? « Musicien de critique et d’expérimentations sociales » serait une assez bonne définition du larron. À l’heure où sort un maxi best of, sans soda ni sunday à l’huile de palme, sur 42 ans d’activisme sonore, puis une bio sur une « carrière » qui n’en est pas une, tellement elle se complaît dans l’incohérence la plus totale, Pascal Comelade se rappelle aux oublieux de sa démarche novatrice.

C’est en 1974 que sort son premier disque, maintenant Graal de collectionneur, « Fluence ». Marrant pour un musicien complètement anti-académique de voir aujourd’hui le constructeur Renault appeler une de ces bagnoles monstrueusement laide et toc du même nom. « Fluence ». On doute que les concepteurs post acnéiques de ces chefs d’œuvres de tôles foireuse aient pu un jour se pencher sur les débuts chaotiques du génie de Vernet-les-Bains. Ancienne station thermale des Pyrénées Orientales, où quelques curistes végétaient en regardant le Canigou, sans se douter des boucles musicales névrotiques qui se créaient à travers ce paysage bucolique. Pour résumer, et c’est pas simple, sa première décennie musicale est faite de rencontres diverses avec le milieu musical catalan, Lluis Llach, Toti Soler, Maria Del Mar ; à Paris avec Richard Pinhas, Gérard Nguyen. Il édite en autoprod son premier album « Fluence », bosse avec un magnéto Revox A77 et un synthé EMS/AKS, bref une certaine ère troglodyte expérimentale psychotique. Puis c’est la scène montpelliéraine des années 80, où il vit et fonde le Bel Canto Orchestra. Sa base de création sera les instruments jouets. Toy piano, saxo en plastoc, Ukulélé de brocante, triangle isocèle percussif pour auditeurs tourmentés…
(Disques Eighties 1 : Fluence, Paralelo, Sentimentos).

La deuxième partie des années 80 se joue souvent avec la scène indépendante de Montpellier. Pascal Comelade collabore avec OTH, Les Provisoires, Les Vierges, General Alcazar, Laurent Sinclair de Taxi Girl… Scène engagée et militante, le rock vecteur d’une jeunesse sudiste énervée et bordélique face à un Comelade Arty - décalqué, qui avec sa musique instrumentale composée en autodidacte du solfège ennuyeux, fait copuler dans ses instrumentaux Suicide, Satie, Can et l’esprit de Soft Machine. D’ailleurs à cette époque il correspond avec Robert Wyatt dont Pascal Comelade reste un fan. Un fan de Rocanroll, de musique bruitiste, de folklore décomplexé à qui il fait subir un traitement par onde de choc.
(Disques Eighties 2 : Détail Monochrome, Bel Canto, El Primitivismo, 33 Bars)

Toujours à cheval avec la scène barcelonnaise (il vit dans le quartier de Gracia, rencontre le poète catalan Enric Casasses), il s’installe à Vernet-les-Bains au début des nineties, joue au Japon où sa popularité commence à faire trembler la jeunesse nippone, toujours friande de traitements psychiatriques de la musique. Avec Comelade elle a de la matière. Ensuite, le Japon restera toujours fidèle à Comelade et il remplira dans le futur les salles aussi rapidement qu’un trait de Katana dans un film de d’Hidéo Gosha. Les années 90 seront celles des collaborations exceptionnelles : Robert Wyatt, PJ Harvey, Miossec, Arno, Jeanne Moreau, Jac Berrocal… Il recevra des prix à Barcelone, à Madrid… et la France toujours à la traîne, ainsi que son département des Pyrénées-Orientales, continueront la plupart du temps à le regarder comme le martien qu’il a toujours été. À la marge, clairement, mais sa fan-base n’en est que plus fidèle et acharnée. Comelade dérange. Comme tous les inclassables, il énerve. Les chantres constipés d’une pseudo culture catalane confondent toujours folklore à deux balles (Aïoli, rugby, sardane, cargolade. La cargolade étant un génocide d’escargots), avec véritable créativité subversive et jouissive. C’est aussi anachronique que le bouquin de Macron intitulé « Révolution ». Ben voyons ! La véritable révolution c’est Comelade qui l’a toujours apportée vers nos tympans trop souvent habitués à de la mélasse commerciale et à des stéréotypes de notes ampoulées. Comelade, pour les mélomanes pas blasés, reste le sauveur.
(Disques Nineties : Raggazin The blues, Haikus de Pianos, Traffic d’abstraction, El Cabaret Galactic, Musiques pour films, Danses et chants de Syldavie, The Oblique Sessions, L’argot du bruit)

La suite pour le XXIe siècle, c’est une pléiade d’albums où Pascal Comelade se transforme en un Toy Génius, améliorant sa trame, signant chez Because music (Manu Chao, Charlotte Gainsbourg…), devenant parrain malgré lui d’une scène musicale perpignanaise toujours féconde en talents (The Liminanas avec lesquels il collabore régulièrement sur disque comme sur scène depuis maintenant 3 ans).
(Disques XXIe siècle : Psicotic Music’Hall, Espontex Sinfonia, Métode de Rocanrol, A Freak Serenade, El Pianista Del Antifaz N’IX, Traité de Guitares triolectiques…).

Alors si l’envie vous prend d’aller prêter une audition sur l’œuvre gargantuesque d’un artiste-créateur de génie, le résumé en 6 CDs de la Box « Rocanrolorama », ainsi que la bio toute fraîche qui vient de paraître sont pour vous. « La politique c’est comme la musique. Ni théorie, ni dogme. Jamais ! ». Parole de Comelade.

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2 commentaires
  • 14 janvier 2017, 11:51, par CG

    On trouve CQFD désormais à la Librairie Maupetit sur la Canebière au 1er étage. Il était temps...

  • 2 février 2017, 15:51, par Jérome Cahuzac.

    Ma chère Pénélope, mon petit doigt m’a dit que on trouvait la Revue des Deux Mondes coincé entre deux CQFD à la Casa Consolat et au Dar Lamifa, rue d’Aubagne. Peut tu me le confirmer ?

    Ton cher et tendre Jérome Cahuzac.

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